lundi 17 novembre 2008

Une réponse chrétienne au communisme 2 : La religion, opium du peuple ?

Il y a deux semaines, j'ai répondu à Marx qui affirme avoir trouvé dans l'Eglise des premiers chrétiens un modèle de société communiste. Cette semaine je veux répondre aux autres accusations de Marx contre les chrétiens, contre l'Eglise en tant qu'institution et contre la foi en général. (Et au passage : désolé du retard, j'avais beaucoup de travail ces derniers temps.)

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L'arrière-plan de Marx montre qu'il avait sans doute une bonne connaissance intellectuelle de la foi chrétienne : il est né dans une famille Juive Allemande, convertie au protestantisme. Ses grands-pères étaient tous les deux rabbins, et ont renié leurs enfants lors de leur conversion au christianisme. On ne sait pas grand-chose de la foi des parents de Marx, mais on sait qu'à cette époque, pour que des Juifs Européens, qui plus est enfants de rabbins, se convertissent, avec la pression que cela implique de la part de la communauté Juive, cette conversion doit venir d'une réelle conviction profonde. Mais les parents Marx n'ont jamais tourné le dos à leur identité culturelle Juive, et ils ont élevé leur fils dans la foi chrétienne, mais aussi dans la culture et la tradition hébraïque. De par son éducation, Karl Marx connaissait donc la foi chrétienne et la Bible. Dans sa jeunesse, il est attiré pendant un temps par les sciences occultes, avant de renier à la fois son éducation religieuse chrétienne et sa culture Juive, pour un athéisme radical. Mais de par son éducation à la fois Juive et chrétienne, il connaissait l'ennemi auquel il s'attaquait – un net avantage par rapport à certains philosophes athées contemporains, qui adressent des critiques sans fondement à un ennemi duquel ils ne savent rien. La critique de Marx promet donc d'être sérieuse, plus crédible en tout cas que celles qu'on nous adresse aujourd'hui.

Une des phrases les plus célèbres de Marx dit : "La religion, c'est l'opium du peuple." C'est en cette phrase que réside la base de l'accusation de Marx à l'égard des chrétiens. L'opium est une plante qui est utilisée comme une drogue, donc un produit qui procure un bonheur imaginaire. Mais aussi, un des dérivés de l'opium qu'est la morphine, commençait à être utilisé à l'époque de Marx, et l'est encore aujourd'hui, en médecine, comme un puissant anesthésiant contre la douleur. C'est principalement à cet usage de l'opium que pense Marx. Il accuse la religion de donner au peuple un espoir, en une vie meilleure après la mort, qui "anesthésie", comme l'opium, la souffrance de ce peuple exploité. Entendez "peuple" au sens marxiste du terme, "prolétariat" soumis aux capitalistes dans le système de la lutte des classes. Pour pouvoir réaliser sa société communiste, Marx pense qu'il faut donc se débarrasser de cette "chimère" qu'est la foi religieuse en générale, et la foi chrétienne en particulier : le prolétariat doit réaliser qu'il n'y a aucune autre vie après la mort, aucun Sauveur, mais que c'est ici, dans ce monde-ci, qu'ils doivent obtenir eux-mêmes, par la lutte et par la violence si c'est nécessaire, ce que la foi offre pour la vie après la mort. Le prolétaire doit donc se "sauver" soi-même. C'est ce que disent aussi deux vers de l'Internationale, hymne communiste écrit durant guerre des Communes de Paris : "Il n'est pas de Sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun, Producteurs sauvons-nous nous-mêmes, décrétons le salut commun." Selon Marx, la religion, opium qui donne au peuple un espoir en la réalisation de leurs rêves dans une autre vie, doit disparaitre pour que la société communiste puisse se réaliser. Marx définit sa société communiste par rapport à la pensée chrétienne comme "la réalisation du Paradis sur Terre."
Remarquons d'ailleurs au passage que Marx ne reproche jamais à la foi de proposer un Paradis imaginaire : la "chimère" du Paradis après la mort doit disparaitre, non pas parce qu'elle est fausse, mais même si elle est vraie, parce qu'elle entrave la route à la réalisation de la société communiste. Il est clair que pour un Marx profondément athée, ce Paradis n'existe évidemment pas, mais il ne se focalise pas sur ce point, cela lui est indifférent. Par ailleurs, le deuxième grand penseur communiste, Jean-Paul Sartre, a dit : "Que Dieu existe ou non ne change en rien le problème de l'humanité." Que Dieu existe, ou pas, peu importe : c'est à l'homme de prendre son destin en main.

Que répondre à cette critique ? Evidemment, la foi assure une espérance ferme en une vie après la mort, dans laquelle il n'y aura plus de souffrance, et dans lequel chacun qui aura cru recevra la consolation de ce qu'il aura souffert durant sa vie. La Bible, dans l'Apocalyspe, décrit ce nouveau monde en ces mots : "Voici la demeure de Dieu parmi les hommes. Il habitera avec eux, et ils seront sont peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu." (Apocalypse 21:3-4) Et cette espérance a effectivement, tout au cours de l'histoire, fortifié des hommes et des femmes face à des souffrances atroces : pensons par exemple au milliers d'esclaves Noirs qui, sous les coups de fouet, tout en travaillant chantaient à Dieu l'espérance qu'ils avaient trouvée en Jésus, par ces chants qu'on appelle aujourd'hui les gospels, ou negro-spirituals, et qui se situent encore aujourd'hui au premier rang du répertoire de bien des Eglises. D'un point de vue chrétien, la pensée d'instaurer le Paradis sur Terre est irréaliste, à cause du péché dans le coeur de l'homme. Donc, tout compte fait, je suis même presque d'accord avec Marx lorsqu'il affirme que la religion est l'opium du peuple ! (J'entends, "opium" dans le sens anesthésiant.) L'espérance est l'essence même de ma foi. Mais par contre, lorsqu'il prétend que cette espérance en une vie après la mort empêche l'homme de profiter de la vie terrestre, et de vouloir agir pour que ce monde-ci devienne plus juste, là, je proteste énergiquement ! Il y a bien assez d'exemple dans l'histoire, avant et après Marx de personnes qui justement au nom de leur foi ont lutté contre les fléaux du monde de leur époque : Martin Luther King, héros de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, Henri Dunant qui a fondé la Croix Rouge, la jeune fille Hollandaise Corrie ten Boom qui a caché des Juifs chez elle durant la II° Guerre mondiale, et avant Marx on peut citer François d'Assise, Raymond Lulle... Marx connaissait sans aucun doute ces contre-exemples.

En plus de cela, Marx accuse l'Eglise chrétienne de favoriser les riches, en incitant les pauvres à se résigner à leur sort. Il cite pour justifier cela des passages des Évangiles tels que : "Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume de Dieu est à eux." Cette critique est-elle justifiée ?
Pour comprendre, il faut se projeter dans l'esprit de l'époque dans laquelle Marx a vécu : près d'un Siècle après la Révolution française, c'est actuellement le règne de Napoléon Ier en France, et la plus grande partie de l'Europe est encore soumise à des régimes plus ou moins féodaux. Dans chaque Etat européen, il y a une Eglise d'Etat officielle, catholique, protestante ou orthodoxe selon les régions, de laquelle chaque citoyen est plus ou moins obligé de faire partie, du moins par le nom. Et l'Eglise établie, alliée au pouvoir politique féodal, est de ce fait gardienne de la société en place, et son alliée. Il est clair de ce fait qu'elle favorise les puissants, desquels elle détient son pouvoir. C'est pour cette raison qu'encore aujourd'hui l'Eglise est souvent assimilée, de façon totalement absurde d'ailleurs, au conservatisme. La critique de Marx envers les institutions ecclésiastiques de son époque est donc justifiée. Mais, est-ce réellement là ce que l'Eglise devrait être ? Jésus a toujours parlé de l'Eglise non pas comme d'une institution quelconque, mais comme l'ensemble de tous ceux qui, dans tous les peuples et toutes les époques, ont placé leur confiance en lui. Mais parce que pour l'instant nous sommes sur Terre, il est nécessaire de nous regrouper dans des institutions visibles, nécessairement imparfaites. Mais même là, l'Eglise était à l'origine constituée d'adhérents librement convaincus, d'individus qui avaient choisi d'en faire partie et qui étaient prêts à assumer pleinement leur foi, et même à leur payer de leur vie si nécessaire, et c'est d'ailleurs arrivé à bon nombre d'entre eux. Ce n'est qu'avec la pseudo-christianisation de l'Empire romain que le concept d'Eglise d'Etat est apparu, concept qui faisait perdre à l'Eglise toute sa raison d'être.

La semaine prochaine (j'espère ^^, sauf si je n'ai de nouveau pas le temps), je clôturerai en expliquant en quoi l'Evangile est un message révolutionnaire, radicalement différent puisqu'il propose la révolution des coeurs.

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