mercredi 25 mai 2011

Ibrahim ben Ali

Salut tout le monde !

J'ai réagi dans mon dernier article à la mort d'Oussama ben Laden. Cet événement est le dernier épisode de l'histoire des relations toujours complexes entre les États-Unis et l'islam, entre attachement à la liberté religieuse pour tous et vision de l'islam comme une menace pour la démocratie et la culture occidentale. Des premiers colons musulmans du temps des Pères Fondateurs qui se sont très bien intégrés et ont participé à la construction de la nation américaine, aux conflits entre Américains d'origine turque et grecque au XIX° Siècle, aux mouvements musulmans afro-américains souvent violents pendant la lutte contre la Ségrégation (comme les Black Panthers ou la Nation of Islam), à la guerre contre le terrisme, aux discours élogieux de Barack Obama sur la nature pacifique et tolérance de la religion musulmane, tout montre que de tous temps, aux États-Unis, l'islam a existé, et à la fois fasciné et effrayé. Et ces deux tendances se manifestent encore aujourd'hui, avec d'un côté une volonté, y compris parmi les chrétiens américains, d'ouvrir la société américaine aux valeurs de l'islam et de permettre une meilleure intégration des minorités musulmanes récemment immigrées, de l'autre des mentalités dans certains milieux qui considèrent l'islam comme une religion violente par définition.

On pourrait écrire des pages sur la sociologie de l'islam aux États-Unis et sur les rapports, parfois cordiaux, d'autres fois tendus, souvent contradictoires, entre l'islam et la société américaine. Mais ce n'est pas mon but dans cet article. Les tout premiers musulmans américains étaient des colons turcs, venus de ce qui était à l'époque l'Empire ottoman... mais ce qui est beaucoup moins connu, c'est qu'un des tout premiers Turcs-Américains, Ibrahim ben Ali, était... chrétien, un ex-musulman converti à Jésus-Christ !

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Ibrahim ben Ali est né 1756 en Turquie, près d'Istanbul, dans une famille riche et respectée. Son père était un musulman pieux, sa mère une chrétienne grecque, ancienne esclave que le père d'Ibrahim avait affranchie pour l'épouser. Son père lui a enseigné le Coran et appris à craindre Allah et à vivre en bon musulman. Dans sa jeunesse, Ibrahim était musulman pratiquant et sincère, et à 13 ans il a fait la hadj, le pèlerinage à La Mecque obligatoire dans l'islam. Il a aussi pris trois épouses, Halima, Fatima et Aïcha.

Grâce à l'influence de son père, le jeune Ibrahim a été nommé capitaine des Janissaires, un corps d'élite dans l'armée de l'Empire ottoman qui avait le rôle de la garde personnelle du Sultan. De plus, ses études lui ont permis de devenir médecin. Un bel avenir semblait s'ouvrir devant lui dans sa patrie.

Mais un jour, tout a basculé : après 5 ans de service, deux de ses compagnons Janissaires ont été assassinés et il s'est retrouvé accusé à tort du meurtre. On lui donna 5 jours pour fournir les preuves de son innocence, le sixième jour il mourrait. Mais alors que les 5 jours étaient passés, la nu
it avant son exécution, il a vécu une expérience qui a transformé sa vie : en prison avec lui, il y avait un vieil esclave espagnol, qui lui a expliqué le message de l'Évangile chrétien et l'a encouragé à ne pas mettre sa confiance en l'islam et en Muhammad. "Devenez chrétien, recommandez votre âme à Dieu par Jésus-Christ, et il vous sauvera pour la vie éternelle", telles étaient les paroles de l'esclave. Et c'est ce que fit Ibrahim : plusieurs fois pendant cette nuit fatidique, il appela à Jésus pour qu'il le sauve. Le lendemain matin, le geôlier est venu le voir pour lui annoncer son acquittement : deux autres soldats venaient de confesser le crime. Ibrahim n'a jamais oublié cette nuit, il savait que c'était Jésus, le Dieu vivant, qui l'avait sauvé. Tout en continuant à servir comme médecin et comme officier dans l'armée de l'Empire ottoman, il est devenu chrétien et a commencé à proclamer sa foi autour de lui. Jamais il n'est retourné à l'islam.

Plus tard, pendant une guerre entre la Russie et
l'Empire ottoman, Ibrahim a été fait prisonnier à St-Pétersbourg, en Russie, où il passa 2 ans. Finalement, grâce à l'aide d'une femme influence qui avait recouvert la vue grâce à ses soins médicaux, il a pu être libéré, mais comme les circonstances politiques ne lui permettaient pas de retourner en Turquie, il a voyagé jusqu'au Danemark, puis Liverpool et Angleterre, puis finalement en Irlande, où il a rencontré le théologien Adam Clarke (cf photo). C'est Adam Clarke qui a baptisé Ibrahim et les deux hommes sont devenus des amis très proches. Ils ont vécu ensemble à Dublin en Irlande, puis pendant 2 ans à Liverpool, et enfin pendant plusieurs années à Manchester. Puis, Ibrahim a finalement décidé de prendre la mer pour s'installer aux États-Unis, ce nouvel État qui venaient de déclarer leur indépendance et offrait une nouvelle patrie à tous ceux qui, pour quelque raison que ce soit, désiraient commencer une nouvelle vie.

Arrivé aux États-Unis, Ibrahim s'est installé dans la ville de Philadelphie en Pennsylvanie, où il s'est marié une nouvelle fois avec une chrétienne baptiste américaine et a ouvert un cabinet de médecin. Vers la fin de sa vie, il a déménagé à Baltimore, dans le Maryland, où il est mort d'une épidémie de fièvre jaune. Il est considéré jusqu'à aujourd'hui comme un pionnier de la communauté turque américaine.

NB : Je n'ai pas trouvé de portrait d'Ibrahim ben Ali lui-même, alors j'ai illustré l'article par plusieurs oeuvres d'art ottoman, que je trouve magnifique.

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