Salut à tous !
Pour cette semaine je voulais publier un article qui vous donnera à réfléchir. Je vais partager des idées qui sont ressorties d'un entretien que j'ai eu l'année dernière, à propos des Pensées de Pascal, avec M. Alain CHESTIER (cf photo), docteur ès Philosophie et ès Lettres, conférencier, chargé de cours à l'Université de Besançon, et professeur de littérature au lycée Nodier de Dole, mon ancien lycée.
Lire la suite
Vers la fin de ma classe de terminale, j'étais en train de lire les Pensées du philosophe Blaise Pascal, d'une part parce que j'aimais bien la philosophie et que Pascal était au programme, et d'autre part parce que Pascal est considéré comme le plus grand philosophe chrétien. Je m'étais déjà entretenu sur le sujet de ce livre avec M. LOUIS, mon prof de philosophie, et M. GEOFFROY, mon prof de littérature de terminale. Et tous deux m'ont conseillé d'aller voir leur collègue, M. CHESTIER, un prof que je n'avais jamais eu en cours mais dont je connaissais la réputation puisqu'il était célèbre dans tout le lycée, parce que c'est apparemment un grand admirateur de Pascal, que les Pensées sont son livre de chevet, et qu'il connaît bien ce livre et la pensée de l'auteur. En bon élève sérieux de terminale L, je suis donc allé vers ce prof, et je lui ai demandé un rendez-vous pour parler du bouquin en question. J'étais d'autant plus curieux de savoir ce que M. CHESTIER pouvait penser de Pascal, que je savais qu'il était athée convaincu et matérialiste.
Et quelque temps après nous nous sommes vus, et en avons discuté pendant près de deux heures. Je ne vais pas résumer tout ce que nous avons dit ici, ce serait beaucoup trop long. Mais il y au une idée, l'idée essentielle de ce que M. CHESTIER m'a dit, que j'avais envie de partager, parce que c'est une idée qui m'a donné beaucoup à réfléchir.
M. CHESTIER a reçu une éducation athée, et a toujours été athée, sans se poser de questions à ce sujet pendant sa jeunesse. Il a découvert les Pensées en classe de terminale, et elles sont vite devenues sa lecture préférée. Et il m'a dit que l'idée essentielle qu'il avait retirée de sa première lecture de Pascal était : qu'un croyant qui n'a jamais douté de sa foi n'est pas un vrai croyant, et que de même un athée qui n'a jamais douté de son athéisme n'est pas un vrai athée. Il est resté toute sa vie fasciné par Pascal, et c'est en doutant de son athéisme, à la lumière des Pensées, qu'il est devenu un véritable athée convaincu, et qui s'affiche comme tel.
J'ai trouvé l'idée intéressante, et vraie. La foi (et on peut considérer ici l'athéisme comme étant une foi également) est par définition quelque chose d'improuvable, et qu'on ne doit pas chercher à prouver par des arguments, quels qu'ils soient. Le verbe qui définit la science, c'est savoir ; le verbe qui définit la philosophie, c'est penser ; le verbe qui définit la foi, c'est croire. Personne ne "croit" en l'existence du Soleil, c'est quelque chose de visible, de sensible, et que personne de raisonnable ne met en doute. Le Soleil existe, pas besoin de foi pour ça, on le sait, parce qu'on le voit briller, qu'on sent sa lumière et sa chaleur. Ce n'est pas du domaine de la foi, de "croire", mais de celui de la science, de "savoir".
Mais trop souvent le "croire", notamment quand il a été inculqué par l'éducation reçue, devient comme une sorte de "savoir", qui paraît évident et qu'on refuse de mettre en doute. Mais non seulement cette attitude n'est pas une réelle foi, mais de plus elle peut s'avérer fausse. Je vais faire une analogie, avec la Révolution Copernicienne puisque celle-ci est encore très présente dans les mentalités à l'époque où Pascal écrit. Très peu de temps encore avant Pascal, tous, même des gens tout à fait sincères et pleins d'honnêteté intellectuelle, croyaient, et pensaient savoir, que le Soleil et les autres planètes tournaient toutes autour de la Terre. A l'époque de Pascal, tous savent qu'en réalité c'est la Terre qui, avec les autres planètes, tourne toutes autour du Soleil. Des hommes intelligents, des scientifiques de très haut niveau, ont dû admettre qu'ils s'étaient trompés. Parce que penser savoir n'est pas savoir. Si je donne cette exemple, c'est parce que l'ancienne science se basait plus sur le "croire" justement que sur la véritable recherche scientifique au sens actuel : les théories géocentristes, tout comme la théorie de la Terre plate ou celle de l'existence de 3 continents (d'après les 3 fils de Noé), étaient toutes tirées de mauvaises interprétations de la Bible et de la philosophie aristotélicienne. Au moment où Pascal écrit ses Pensées, personne n'a encore oublié ça : le système sur lequel était basée toute l'ancienne science s'est avéré faux, parce qu'il était basé uniquement sur des spéculations théologiques et idéologiques, des croyances. Et très souvent, en ce qui concerne la foi, que ce soit la foi en l'existence ou en la non-existence de Dieu, c'est la même chose : on croit savoir, alors qu'on n'y a jamais sérieusement réfléchi, et on ne pense même pas à se remettre en question. Alors, tout comme l'ancien système géocentrique a été bouleversé par les découvertes de Copernic et de Galilée, quand survient quelque chose de contraire à ce que nous pensions savoir, comme ce fut le cas pour M. CHESTIER lors de sa lecture des Pensées de Pascal en classe de terminale, on doute pour la première fois de ce qu'on pensait savoir. Mais l'analogie avec la Révolution Copernicienne s'arrête ici, parce que celle-ci concerne la science, donc le domaine du savoir et du prouvable, alors que nous parlons de la foi, de l'improuvable. Donc, lorsqu'on remet en question ses idées reçues, ce qu'on croyait savoir, et qu'on doute de ce qu'on croit, il reste deux possibilités : soit on change d'avis sur la question, soit par le doute notre foi en devient encore plus forte. C'est le principe de base de la philosophie : Socrate, considéré comme le père de la philosophie, cherchait déjà à faire sortir ses concitoyens Athéniens de leur "sommeil dogmatique", par le doute, et c'est ce principe qui a donné naissance à la philosophie chez les Grecs. Donc, on peut effectivement dire qu'un croyant qui n'a jamais douté de sa foi n'est pas un véritable croyant, et un athée qui n'a jamais douté de son athéisme n'est pas un véritable athée : sa foi ne sera qu'une idée reçue, pas une véritable foi.
Voilà, j'espère que je vous ai donné de quoi réfléchir. La semaine prochaine, je vous partagerai une idée importante des Pensées de Pascal : l'idée du pari.
Pour cette semaine je voulais publier un article qui vous donnera à réfléchir. Je vais partager des idées qui sont ressorties d'un entretien que j'ai eu l'année dernière, à propos des Pensées de Pascal, avec M. Alain CHESTIER (cf photo), docteur ès Philosophie et ès Lettres, conférencier, chargé de cours à l'Université de Besançon, et professeur de littérature au lycée Nodier de Dole, mon ancien lycée.
Lire la suite
Vers la fin de ma classe de terminale, j'étais en train de lire les Pensées du philosophe Blaise Pascal, d'une part parce que j'aimais bien la philosophie et que Pascal était au programme, et d'autre part parce que Pascal est considéré comme le plus grand philosophe chrétien. Je m'étais déjà entretenu sur le sujet de ce livre avec M. LOUIS, mon prof de philosophie, et M. GEOFFROY, mon prof de littérature de terminale. Et tous deux m'ont conseillé d'aller voir leur collègue, M. CHESTIER, un prof que je n'avais jamais eu en cours mais dont je connaissais la réputation puisqu'il était célèbre dans tout le lycée, parce que c'est apparemment un grand admirateur de Pascal, que les Pensées sont son livre de chevet, et qu'il connaît bien ce livre et la pensée de l'auteur. En bon élève sérieux de terminale L, je suis donc allé vers ce prof, et je lui ai demandé un rendez-vous pour parler du bouquin en question. J'étais d'autant plus curieux de savoir ce que M. CHESTIER pouvait penser de Pascal, que je savais qu'il était athée convaincu et matérialiste.
Et quelque temps après nous nous sommes vus, et en avons discuté pendant près de deux heures. Je ne vais pas résumer tout ce que nous avons dit ici, ce serait beaucoup trop long. Mais il y au une idée, l'idée essentielle de ce que M. CHESTIER m'a dit, que j'avais envie de partager, parce que c'est une idée qui m'a donné beaucoup à réfléchir.
M. CHESTIER a reçu une éducation athée, et a toujours été athée, sans se poser de questions à ce sujet pendant sa jeunesse. Il a découvert les Pensées en classe de terminale, et elles sont vite devenues sa lecture préférée. Et il m'a dit que l'idée essentielle qu'il avait retirée de sa première lecture de Pascal était : qu'un croyant qui n'a jamais douté de sa foi n'est pas un vrai croyant, et que de même un athée qui n'a jamais douté de son athéisme n'est pas un vrai athée. Il est resté toute sa vie fasciné par Pascal, et c'est en doutant de son athéisme, à la lumière des Pensées, qu'il est devenu un véritable athée convaincu, et qui s'affiche comme tel.
J'ai trouvé l'idée intéressante, et vraie. La foi (et on peut considérer ici l'athéisme comme étant une foi également) est par définition quelque chose d'improuvable, et qu'on ne doit pas chercher à prouver par des arguments, quels qu'ils soient. Le verbe qui définit la science, c'est savoir ; le verbe qui définit la philosophie, c'est penser ; le verbe qui définit la foi, c'est croire. Personne ne "croit" en l'existence du Soleil, c'est quelque chose de visible, de sensible, et que personne de raisonnable ne met en doute. Le Soleil existe, pas besoin de foi pour ça, on le sait, parce qu'on le voit briller, qu'on sent sa lumière et sa chaleur. Ce n'est pas du domaine de la foi, de "croire", mais de celui de la science, de "savoir".
Mais trop souvent le "croire", notamment quand il a été inculqué par l'éducation reçue, devient comme une sorte de "savoir", qui paraît évident et qu'on refuse de mettre en doute. Mais non seulement cette attitude n'est pas une réelle foi, mais de plus elle peut s'avérer fausse. Je vais faire une analogie, avec la Révolution Copernicienne puisque celle-ci est encore très présente dans les mentalités à l'époque où Pascal écrit. Très peu de temps encore avant Pascal, tous, même des gens tout à fait sincères et pleins d'honnêteté intellectuelle, croyaient, et pensaient savoir, que le Soleil et les autres planètes tournaient toutes autour de la Terre. A l'époque de Pascal, tous savent qu'en réalité c'est la Terre qui, avec les autres planètes, tourne toutes autour du Soleil. Des hommes intelligents, des scientifiques de très haut niveau, ont dû admettre qu'ils s'étaient trompés. Parce que penser savoir n'est pas savoir. Si je donne cette exemple, c'est parce que l'ancienne science se basait plus sur le "croire" justement que sur la véritable recherche scientifique au sens actuel : les théories géocentristes, tout comme la théorie de la Terre plate ou celle de l'existence de 3 continents (d'après les 3 fils de Noé), étaient toutes tirées de mauvaises interprétations de la Bible et de la philosophie aristotélicienne. Au moment où Pascal écrit ses Pensées, personne n'a encore oublié ça : le système sur lequel était basée toute l'ancienne science s'est avéré faux, parce qu'il était basé uniquement sur des spéculations théologiques et idéologiques, des croyances. Et très souvent, en ce qui concerne la foi, que ce soit la foi en l'existence ou en la non-existence de Dieu, c'est la même chose : on croit savoir, alors qu'on n'y a jamais sérieusement réfléchi, et on ne pense même pas à se remettre en question. Alors, tout comme l'ancien système géocentrique a été bouleversé par les découvertes de Copernic et de Galilée, quand survient quelque chose de contraire à ce que nous pensions savoir, comme ce fut le cas pour M. CHESTIER lors de sa lecture des Pensées de Pascal en classe de terminale, on doute pour la première fois de ce qu'on pensait savoir. Mais l'analogie avec la Révolution Copernicienne s'arrête ici, parce que celle-ci concerne la science, donc le domaine du savoir et du prouvable, alors que nous parlons de la foi, de l'improuvable. Donc, lorsqu'on remet en question ses idées reçues, ce qu'on croyait savoir, et qu'on doute de ce qu'on croit, il reste deux possibilités : soit on change d'avis sur la question, soit par le doute notre foi en devient encore plus forte. C'est le principe de base de la philosophie : Socrate, considéré comme le père de la philosophie, cherchait déjà à faire sortir ses concitoyens Athéniens de leur "sommeil dogmatique", par le doute, et c'est ce principe qui a donné naissance à la philosophie chez les Grecs. Donc, on peut effectivement dire qu'un croyant qui n'a jamais douté de sa foi n'est pas un véritable croyant, et un athée qui n'a jamais douté de son athéisme n'est pas un véritable athée : sa foi ne sera qu'une idée reçue, pas une véritable foi.
Voilà, j'espère que je vous ai donné de quoi réfléchir. La semaine prochaine, je vous partagerai une idée importante des Pensées de Pascal : l'idée du pari.
3 commentaires:
bonjour
En venant du blog de Sébastien Fath, je découvre avec plaisir le tien...
Sincèrement
Jean
Tres interessant ton article sur Pascal. Par la simple phrase "le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas", il m'a toujours aide a me raccrocher au sentiment inexplicable, peu importe mes meditations philosophiques ou rationnelles ou spirituelles. J'aime beaucoup la reponse de ton professeur quant la constante remise en cause qui permet a l'un d'avancer.Le doute est une permanence, l'accepter c'est faire un premier pas, savoir se raccrocher fait vivre.
Halima
Bonjour, je viens de découvrir ton blog, et ça me fait plaisir de voir que d'autres personnes lisent des livres comme les Pensées en terminale. Je suis en S donc c'est moins littéraire, mais on a aussi parlé de Pascal en philo, et je compte bien relire un jour les pensées!
Ce sont des articles très intéressants que tu écris.
Enregistrer un commentaire